Une circulaire datée du 5 janvier 2023 ( lien ici ) vient rappeler que la loi N°2021-1109 du 24 août 2021 "confortant le respect des principes de la République" prévoit la création d'une instance départementale de prévention d'évitement scolaire et que celle-ci doit rapidement être mise en place. Celle-ci vise à vérifier que chaque enfant est inscrit dans une école ou bien a reçu l'autorisation pour l'instruction en famille. Pour cela est organisé un recoupement d'informations entre les académies, les élus locaux (mairies donc), CAF, services du département, etc. Un identifiant national unique est donné à chaque enfant pour s'assurer du suivi. L'instance travaille en collaboration avec la cellule de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire. Si un enfant concerné par l'obligation scolaire (3 à 16 ans ; 3 ans ou un peu moins puisque l'obligation scolaire commence en septembre de l'année des 3 ans) n'est pas i
Photo Pixabay
"De ma naissance à mes presque
douze ans, je ne suis pas allée à l'école. Pas un pied, pas un orteil. Pas une
once de moi-même n'avait mis un pied dans une salle de classe.
J'ai beaucoup déménagé, de ferme
en maison, de maison en appartement, d'appartement en maison... et tout ce
temps je suis restée non-sco. En environ deux heures de travail quotidien avec
ma mère, j'en apprenais autant, voire plus que les enfants scolarisés. Durant
mon immense temps libre, je lisais, dessinais, me rendais à diverses activités
(sport, musique, arts plastiques...).
Nous faisions partie d'une
association d'autres familles pratiquant la non-sco, où je pouvais donc
rencontrer des enfants de tous âges, jouer avec eux, et m'ouvrir l'esprit.
Rencontrer l'autre.
Mon enfance a été pleine de
découvertes, de culture, lecture, musées, nature...
C'était parfois compliqué
d'expliquer aux enfants scolarisés que je n'allais pas à l'école, pourquoi, et
comment j'apprenais des choses. Il y avait souvent un petit décalage, et aussi
de l'incompréhension.
Pour moi, la non-sco a été la
phase la plus formatrice de ma vie, et celle qui m'a le plus apporté, de tous
les points de vue. Elle m'a permis de grandir, d'évoluer et de m'instruire dans
un cadre souple, ouvert et non-violent. Un cadre où l'on respectait mon rythme
naturel, mes envies, ma personne tout entière.
J'ai grandi dans un milieu et
avec des personnes qui n'étaient ni âgistes, ni racistes, ni sexistes, ni quoi
que ce soit d'autre qui aurait pu affecter négativement ma personnalité.
J'ai donc pu me construire et
évoluer selon ma propre personnalité, quasiment sans entraves. J'ai pu
m'exprimer, apprendre les choses que je voulais apprendre, créer, lire, en
toute liberté.
En 2011, pour des raisons
diverses, je suis entrée au collège. En 5e.
Ça a été un des plus gros chocs
de ma vie. Un monde d'intolérance, de moqueries et de haine se déployait devant
moi, me faisant à tout moment sentir que j'étais différente, bizarre, pas
normale.
Me faisant sentir que je n'étais
pas à ma place, et que si je voulais l'être, je me devais de changer. Je devais
être quelqu'un d'autre, ou du moins paraître. Moqueries, incompréhension,
décalage, mal-être. On ne me prenait pas au sérieux, ou rarement.
Durant mes années de collège, je
ne me suis jamais ou très rarement, fugacement, sentie à ma place. Je n'aimais
pas les mêmes choses que les autres, je ne m'habillais pas pareil, n'avais pas
les mêmes références, ne m'intéressais pas aux mêmes choses, et pour cela on me
trouvait bizarre. J'étais la hippie de la classe, dans le mauvais sens du
terme.
En 3e, j'ai commencé à rentrer
doucement, imperceptiblement, dans ce moule ; à me fondre dans ce carcan. À me
''normaliser''. À adopter les mêmes us et coutumes que mes congénères
scolarisés depuis leur plus tendre enfance. J'ai commencé, sans l'accepter, à
m'adapter au milieu scolaire, que je qualifiais – et que je qualifie toujours -
au plus profond de moi-même, de carcéral.
Arrivée au lycée, j'ai retrouvé
une amie d'enfance, elle aussi ex-non-sco.
Ce fut une bouffée d'oxygène,
l'électrochoc qui me fit tout remettre en question. Qui me fit prendre
conscience que ce que je devenais n'était pas moi, et que je devais remettre en
question tout ce que j'étais en train d'assimiler et d'intégrer malgré moi. D'un
coup, je remettais tout en question, je me révoltais contre tout, et
m'arrachais peu à peu aux sables mouvants qui avaient commencé à m'engloutir.
Cette amie a été pour moi la perche me permettant de sortir du gouffre de la
conformité dans lequel j'étais en train de sombrer sans m’en rendre compte.
Je ne dis pas qu'être conforme
aux attentes de la société n'est pas une bonne chose, du moment qu'elle est
consciente et souhaitée. Ce qui n'était pas le cas pour moi.
Je haïssais ce système, cette
société de normes rigides et de codes pour moi absurdes.
Je haïssais ce système intolérant
et irrespectueux, que cela soit de l'humain, de la nature, de la vie en
général. Je haïssais ce système qui avait failli me rendre étrangère à moi-même
et à mon être profond.
En parallèle, je supportais de
moins en moins l'école et ses contraintes, ce rapport de force malsain entre
adultes et enfants, cette injustice et cet irrespect qui nous étaient infligés
sous prétexte que nous étions plus jeunes. Je ne supportais plus l'inertie des
autres. Cette incapacité à penser par eux-mêmes, cette incapacité à vivre la
vie pleinement, cette incapacité à remettre en question le moule dans lequel
ils étaient coulés depuis la naissance. Je ne supportais plus l'obligation
d'apprendre à la pelle des choses inutiles, sans aucune possibilité de
s'exprimer, de faire entendre ses idées et sa voix, de penser par soi-même.
Je décidai de me révolter. De ne
pas accepter. De refuser l'embrigadement de mon esprit et de ma personne.
J'étais une flamme que l'on
voulait éteindre, peu à peu. J'étais au bord de l'extinction, et tout d'un
coup, je décidai de lutter, et de me ré-enflammer, au moins par la pensée.
Le mal-être s'accentuait, ou du
moins, il était différent. J'étais en décalage de par mes idées, mes opinions,
ma rage contre le système. De par ma personne tout entière.
La prison qu'était pour moi
l'école me rendait littéralement malade. Je ne la supportais plus.
Je ne voulais plus y aller. Je ne
voulais plus que l'on me vole ma vie et que l'on me considère comme inférieure
à cause de mon jeune âge.
Mes idéaux de plus en plus forts
et de plus en plus ancrés en moi, l'importance que j'accordais à l'éthique, à
la liberté, à l'honnêteté envers soi-même, à l'égalité et au respect entre tous
les humains m'interdisait de supporter ce milieu qui me consumait.
J'imaginais une société autre, un
monde autre. Je voulais m'enfuir, courir loin, très loin et rallumer
irrévocablement la flamme que le système tentait d'éteindre.
En première, je décidai de ne pas
faire ma terminale au lycée. Je supportais l'année avec comme lumière au bout
du tunnel le fait que l'année suivante cela serait fini. Que je ne remettrais
plus les pieds en milieu hostile et que je redeviendrais l'unique propriétaire
de mon existence.
En septembre 2016, je commençai
ma terminale au CNED.
Ce fut une libération. Même si je
devais tout de même ingurgiter une quantité effrayante de connaissances
abstraites et inutiles pour ma vie future, je le vivais mieux. Je pouvais enfin
aller à mon rythme. Ne pas consacrer plus de temps qu'il n'en fallait à des
choses qui n'en valaient pas la peine. Je (re)découvrais la liberté.
Malgré un stress important
pendant ma préparation du bac, cette année de cours à distance fut la meilleure
que je passais depuis longtemps. Entre manifs, livres, Maroc et musées, j'étais
enfin moi-même. Le système me révoltait toujours autant, mais il n'exerçait
plus de pression directe, continue et rapprochée sur moi-même, ce qui me le
rendait plus supportable au quotidien.
Aujourd'hui, à dix-sept ans et un bac L en poche, je suis
sur les bancs de la fac où j'apprends enfin des choses qui m'intéressent, sans
pression autre que mon désir d'apprendre.
La non-sco m'a énormément aidée : à grandir et mûrir, à
m'instruire, et a laissé des traces dans ma personnalité qui ne partiront
certainement jamais. Elle m'a aussi permis de développer une relation
privilégiée avec ma mère.
C'est grâce à cette éducation sans école que je suis
aujourd'hui la personne que je suis."
Merci encore H. pour ce magnifique témoignage !
Merci d'avoir lu cet article et à bientôt !
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